Introduction
Inscrite dans une démarche de transformation numérique de ses pratiIques d’enseignement, l’Université de Lausanne (UNIL) met à disposition de sa communauté enseignante et estudiantine, depuis 2021, un écosystème d’outils technopédagogiques.
L’objectif est de soutenir le développement de pédagogies actives, de favoriser l’engagement des étudiants et d’adapter les modalités d’apprentissage aux différents contextes d’enseignement. Au cœur de cet écosystème se trouvent deux plateformes complémentaires mais aux finalités distinctes : Wooclap et Wooflash
Wooclap est conçu comme un outil d’interaction synchrone. Sa fonction première est de dynamiser l’enseignement en présence ou à distance en permettant aux enseignants de sonder, de questionner et de recueillir les retours de leur audience en temps réel. Par le biais de divers types de questions (sondages, nuages de mots, QCM, etc.), il vise à capter l’attention, à évaluer la compréhension immédiate et à stimuler la participation active durant le temps de cours.
Wooflash, quant à lui, opère sur le plan de l’apprentissage asynchrone. Conçu comme une plateforme de microlearning et de révision, il permet aux étudiant·e·s de s’entraîner à leur propre rythme, en dehors des sessions de cours. S’appuyant sur des principes issus des neurosciences, tels que la répétition espacée et l’apprentissage adaptatif, Wooflash propose des parcours de révision personnalisés visant à ancrer les connaissances sur le long terme.
La complémentarité de ces deux outils offre un potentiel pédagogique significatif, couvrant à la fois le temps de l’interaction en classe et celui de l’étude individuelle. Cet article propose une analyse de l’adoption et des usages de Wooclap et Wooflash à l’UNIL, basée sur les données d’utilisation collectées depuis 2021 jusqu’à novembre 2025 pour Wooflash et sur la dernière année en ce qui concerne Wooclap. Après une présentation détaillée des statistiques d’usage permettant de quantifier cette adoption, nous conclurons sur les perspectives d’évolution et d’intégration de ces outils dans les pratiques pédagogiques de l’institution.
Partie 1 : Analyse Statistique de l’Usage
L’analyse des données d’utilisation de Wooclap et Wooflash à l’UNIL révèle deux schémas d’adoption distincts, qui confirment les vocations pédagogiques différentes de ces outils. L’un, Wooflash, s’impose comme un outil de travail et de révision sur le temps long (asynchrone), tandis que l’autre, Wooclap, est un instrument de l’interaction en temps réel (synchrone).
A. Wooflash : L’essor de l’apprentissage asynchrone et de la révision
Les statistiques globales de Wooflash témoignent d’une adoption massive, en particulier du côté des étudiant·e·s. En date de novembre 2025, la plateforme totalise 5 855 comptes créés. La répartition de ces comptes est particulièrement éclairante sur l’usage de l’outil : elle se compose de 5 189 étudiant·e·s, 249 enseignant·e·s et 417 utilisateur·rice·s au statut inconnu. Ce ratio élevé d’étudiant·e·s par enseignant ·e est cohérent avec la nature de la plateforme, où un nombre restreint de créateurs de contenu (enseignant·e·s) produit des ressources consommées par un large public d’apprenant·e·s.

Le volume de contenu créé est substantiel, avec 6 040 cours et 580 357 questions. C’est toutefois le chiffre de l’engagement qui atteste de l’intensité de l’usage : ces contenus ont généré un total de 2 225 665 réponses reçues. Le ratio moyen de près de 429 réponses par étudiant·e inscrit témoigne d’une utilisation récurrente de l’outil pour l’entraînement et la révision.

L’analyse de la croissance annuelle depuis l’introduction de l’outil en 2021 dépeint une trajectoire d’adoption exponentielle. Les graphiques annuels montrent un démarrage modeste en 2021 et 2022, suivi d’une accélération importante en 2023, tant pour la création de comptes que pour celle de contenus. La création de questions, par exemple, passe d’un niveau quasi nul en 2022 à environ 100 000 en 2023 , puis à plus de 240 000 en 2024 et dépasse les 300 000 en 2025. Cette explosion de la création de matériel pédagogique a logiquement entraîné une explosion de l’utilisation, le nombre de réponses reçues passant de 120 000 en 2022 à près de 800 000 en 2024 et 2025.

L’analyse mensuelle de l’activité sur la période 2024-2025 confirme la fonction de révision de la plateforme. Alors que la création de nouveaux comptes connaît des pics logiques lors des rentrées académiques (septembre 2024 et septembre 2025), l’activité principale de la plateforme est décorrélée de ces périodes.
Les pics d’activité les plus intenses concernent la création de questions et, surtout, la réception de réponses. Ces pics ne coïncident pas avec le début des semestres, mais s’alignent de manière marquée sur les périodes d’examens. Les données montrent des sommets d’utilisation très nets en décembre 2024 et janvier 2025 (près de 200 000 réponses) , ainsi qu’en mai et juin 2025 (pic à environ 165 000 réponses).
Ces schémas saisonniers suggèrent fortement que les étudiant·e·s utilisent massivement Wooflash comme un outil de préparation et de révision intensive avant et pendant les sessions d’évaluation. La création de questions par les enseignant·e·s semble suivre une logique similaire, avec des pics précédant ces mêmes périodes, indiquant potentiellement la mise à disposition de modules de révision juste avant les examens.
B. Wooclap : La dynamisation de l’interaction synchrone
Contrairement à la dynamique de révision asynchrone de Wooflash, les données d’utilisation de Wooclap révèlent une adéquation parfaite avec le calendrier académique et l’interaction en temps réel. L’outil s’affirme comme un instrument de la salle de classe, qu’elle soit physique ou virtuelle.
Sur la période analysée (septembre 2024 – octobre 2025), la plateforme compte 3 884 présentateurs enregistrés. Parmi ceux-ci, 1 913 ont été des présentateurs actifs , c’est-à-dire qu’ils ont animé au moins une session, et 967 ont été des créateurs d’événements. Ce taux d’activation, où près de la moitié des inscrits a utilisé activement l’outil sur la période, témoigne d’une adoption saine et non d’un simple enregistrement sans suite.
L’analyse de la saisonnalité de l’usage (graphique, Page 3) est particulièrement révélatrice. L’activité des présentateurs actifs suit un schéma qui épouse parfaitement les semestres académiques. On observe des pics d’activité marqués :
- À la rentrée d’automne : L’activité croît fortement en septembre (légèrement moins de 400 présentateurs en 2024, plus de 500 en 2025) et octobre.
- Durant le semestre de printemps : L’activité est soutenue de février à mai 2025.

À l’inverse, l’activité chute drastiquement pendant les périodes non dévolues à l’enseignement « en direct » :
- Pendant les sessions d’examens : Janvier 2025 montre un creux notable.
- Pendant la pause estivale : L’activité est quasi nulle en juillet et août 2025
Ce profil d’activité synchrone est le miroir inversé de Wooflash. Il est corroboré par l’analyse de l’engagement des participant·e·s. La plateforme a enregistré 145 580 participations et 765 393 réponses reçues. Le graphique du nombre de participant·e·s uniques (Page 21) montre les pics les plus élevés de l’année lors de la rentrée de septembre et octobre, dépassant les 14 000 participants uniques par mois, ce qui coïncide avec le démarrage des cours pour les larges cohortes

Enfin, l’analyse de la croissance interannuelle (YoY) des créateurs d’événements et du nombre d’événements créés est très positive. Pour la quasi-totalité des mois, l’activité de l’année « N »est supérieure à celle de l’année « N-1 » (en gris), ce qui démontre une consolidation et une intensification de l’usage de l’outil au sein de l’institution.
C. L’engagement des participants : Volume et diversité
Si l’adoption de Wooclap est avérée, l’analyse des types de questions créées (Page 11) offre un aperçu des pratiques pédagogiques privilégiées par les utilisateurs. Sur un total de 20 817 questions créées sur la période, l’usage est fortement concentré sur trois types d’interactions :
- Le QCM (Question à Choix Multiple) : représente 45.7% de l’usage.
- La Question Ouverte : 20.1%.
- Le Sondage : 14.2%
À elles seules, ces trois fonctionnalités représentent plus de 80% des questions posées. Elles sont souvent privilégiées pour leur simplicité de mise en œuvre et leur efficacité pour évaluer la compréhension ou recueillir des opinions rapidement.

Les fonctionnalités permettant des scénarios pédagogiques plus complexes sont, en comparaison, très peu mobilisées. Le « Matching » (4.2%) , le « Brainstorm » (1.6%) , ou encore le « Tri » (Sorting, 1.3%) restent des usages de niche. Par ailleurs, on observe l’émergence d’une nouvelle pratique avec la création de questions via l’Intelligence Artificielle, dont l’usage, bien que minoritaire, connaît des pics notables en février et septembre 2025.
Partie 2 : Perspectives et Enjeux Futurs
L’analyse quantitative de l’adoption de Wooclap et Wooflash à l’UNIL démontre un succès indéniable et une implantation réussie au sein des pratiques de la communauté. Les données de croissance interannuelle (YoY) confirment que l’usage n’était pas un effet de mode post-2021, mais une tendance de fond qui se consolide. L’enjeu principal se déplace désormais de la simple adoption (l’acquisition de nouveaux utilisateurs) vers la maturation des usages (l’approfondissement des pratiques pédagogiques).
Une première perspective concerne la diversification des pratiques. L’analyse de l’usage de Wooclap a montré une forte concentration sur un nombre restreint de fonctionnalités, principalement le QCM, la Question Ouverte et le Sondage.
Si ces outils sont efficaces pour l’évaluation formative rapide et l’engagement, un enjeu futur est d’encourager la découverte et l’utilisation de fonctionnalités plus avancées (telles que « Brainstorm » , « Matching » ou « Tri ») qui permettent de développer des compétences de plus haut niveau (analyse, synthèse, collaboration). Cela implique un effort ciblé d’accompagnement et de formation continue des enseignants, axé sur le partage de scénarios pédagogiques.
Le second enjeu majeur réside dans le renforcement du cycle d’apprentissage synchrone-asynchrone. Les données montrent que les deux outils sont utilisés de manière complémentaire, mais peut-être encore trop cloisonnée : Wooclap pour le cours , Wooflash pour les révisions.
La perspective la plus riche est de promouvoir leur intégration systématique. Les enseignants peuvent, par exemple, utiliser les interactions Wooclap en classe pour identifier les points de difficulté, puis exporter ces questions vers un module Wooflash pour une révision asynchrone ciblée. Favoriser cette articulation transformerait deux outils performants en un écosystème pédagogique intégré.
Enfin, l’émergence de la création de questions par Intelligence Artificielle constitue à la fois une perspective et un enjeu. D’une part, elle représente un gain d’efficacité notable pour les enseignants lors de la création de matériel pédagogique. D’autre part, elle soulève des questions de validation pédagogique : le contenu généré est-il aligné avec les objectifs d’apprentissage ? Cet enjeu de « curation » et de contrôle qualité du contenu généré par IA sera central dans les années à venir.
Conclusions
L’adoption de Wooclap et Wooflash à l’Université de Lausanne est un succès quantitatif. L’analyse des données d’utilisation confirme une adéquation parfaite entre la vocation des outils et leurs schémas d’usage : Wooclap s’est imposé comme l’outil de l’interaction synchrone en semestre, tandis que Wooflash est devenu une plateforme incontournable de la révision asynchrone lors des périodes d’examens.
L’enjeu pour l’institution n’est plus seulement d’encourager l’adoption, mais de promouvoir un approfondissement des pratiques et une intégration plus systématique de ces outils dans des scénarios pédagogiques complets, tirant parti de leur pleine complémentarité.

