Le rapport EDUCAUSE Top 10 2026 identifie les enjeux technologiques majeurs pour les institutions académiques. Centré sur la thématique des connexions, ce document met en lumière deux axes stratégiques complémentaires : cultiver une volonté collective institutionnelle et développer les capacités individuelles des acteurs·trices du monde académique.
Dans un contexte marqué par des tensions politiques sur les campus, des incertitudes budgétaires et des transformations technologiques rapides, l’organisation EDUCAUSE publie son rapport annuel des dix priorités technologiques pour 2026. Ce document, élaboré en collaboration avec des responsables d’institutions académiques internationales, propose une vision intégrée des défis que les universités devront relever dans l’année à venir.
Une approche duale : collectif et individuel
Le fil conducteur du rapport 2026 se distingue par son emphase sur les connexions humaines. Mark McCormack, directeur principal de la recherche chez EDUCAUSE, établit une analogie avec le jazz pour illustrer cette dualité nécessaire : d’une part, la « grandeur du social » qui unit l’institution autour de valeurs et d’engagements partagés ; d’autre part, la « créativité de la personne » qui permet aux enseignant·e·s, étudiant·e·s et personnels administratifs de s’épanouir dans leurs espaces respectifs.
Cette perspective reconnaît qu’aucune solution technique isolée – pas même l’intelligence artificielle – ne suffira à conduire les institutions vers leurs objectifs. Ce sont plutôt les personnes qui composent ces institutions, reliées les unes aux autres par des valeurs communes et des capacités individuelles renforcées, qui détiennent la clé du succès.

Les cinq priorités de la volonté collective
Cinq des dix enjeux identifiés concernent le développement d’une volonté collective institutionnelle, visant à établir des standards, valeurs et objectifs partagés.

Analytique des données pour les décisions opérationnelles et financières (priorité #3) répond aux pressions financières croissantes. Face aux réductions de financements fédéraux et aux incertitudes liées aux inscriptions, les institutions doivent exploiter leurs infrastructures de données pour identifier les domaines d’investissement prioritaires et les opportunités d’efficience. Cette démarche nécessite des investissements significatifs dans le nettoyage des données, les systèmes d’analyse et, surtout, dans le développement des compétences du personnel.
La construction d’une culture data-centrique (priorité #4) prolonge cette réflexion en insistant sur l’importance d’un accès coordonné et partagé aux données institutionnelles. Comme le souligne le rapport, « il y a de l’or dans nos mines institutionnelles, mais nous creusons tous des tunnels séparés avec des outils différents ». Cette fragmentation empêche une planification cohérente et augmente les risques en matière de sécurité et de confidentialité. Une gouvernance des données mature devient essentielle pour garantir qualité et sécurité tout en offrant une vision institutionnelle complète.
La gestion des connaissances pour une IA plus sûre (priorité #5) reconnaît que les solutions d’intelligence artificielle institutionnelles ne sont efficaces que si elles « connaissent » l’institution – son contexte historique, ses processus, ses politiques. Les processus de gestion des connaissances permettent d’organiser et de documenter l’identité collective de l’institution tout en établissant des limites appropriées concernant les informations que l’IA peut ou ne peut pas accéder.
Des approches mesurées pour les nouvelles technologies (priorité #6) appelle à une plus grande rigueur dans les décisions d’investissement technologique. Face à un marché en constante expansion et à des budgets contraints, les institutions ne peuvent plus se permettre des achats impulsifs. L’évaluation systématique des coûts, du retour sur investissement et de l’impact sur les systèmes existants devient impérative. Une approche « attentiste » peut parfois s’avérer plus judicieuse, privilégiant des versions matures de solutions plutôt que des adoptions précipitées.
Du réactif au proactif (priorité #8) encourage l’utilisation de données pour la modélisation de scénarios et les prévisions. Cette capacité à anticiper plutôt qu’à simplement décrire permet aux institutions de développer une plus grande agilité stratégique. Toutefois, le rapport met en garde contre une dépendance excessive aux modèles prédictifs, particulièrement concernant les parcours étudiants, où les dimensions humaines et sociales risquent d’être négligées.
Les cinq priorités des capacités individuelles
Le second volet du rapport se concentre sur le développement des compétences et capacités individuelles nécessaires pour donner vie aux technologies et données institutionnelles.

La cybersécurité collaborative (priorité #1) représente un changement de paradigme majeur. Plutôt que de considérer la sécurité comme une prérogative exclusivement technique, cette approche reconnaît que nos écosystèmes numériques sont désormais distribués entre réseaux publics et personnels, sur et hors campus. La sécurité devient donc une responsabilité partagée, nécessitant des mesures intégrées au travail quotidien des utilisateurs·trices plutôt que simplement superposées à celui-ci.
La dimension humaine de l’IA (priorité #2) met l’accent sur l’autonomisation des étudiant·e·s, enseignant·e·s et personnels dans leur engagement avec les outils d’intelligence artificielle. L’étude EDUCAUSE AI Landscape 2025 identifie l’enseignement et l’apprentissage comme le domaine fonctionnel le plus axé sur l’adoption de l’IA, avec la formation du personnel enseignant comme élément stratégique principal. Cette priorité reconnaît que les enseignant·e·s se trouvent en première ligne de l’adoption de l’IA, naviguant entre leurs propres usages et le soutien aux étudiant·e·s, tout en créant des espaces sûrs pour l’expérimentation.
La littératie technologique pour le marché du travail (priorité #7) répond à une réalité incontournable : 92% des emplois aux États-Unis requièrent désormais des compétences en littératie numérique. Plus significatif encore, 66% des dirigeant·e·s déclarent qu’ils·elles n’embaucheraient pas quelqu’un sans compétences en IA. Préparer les étudiant·e·s implique donc d’intégrer l’IA et les technologies comme compétences fondamentales dans leur formation, en collaboration étroite avec les responsables de programmes pour répondre aux besoins spécifiques de chaque discipline.
L’efficience permise par l’IA (priorité #9) explore le potentiel de l’automatisation pour réduire la charge de travail du personnel, permettre une prise de décision plus rapide et libérer des capacités pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. Cette priorité reconnaît cependant les préoccupations légitimes concernant la sécurité d’emploi et souligne l’importance d’une gestion du changement collaborative qui place le personnel au cœur de l’identification des opportunités d’amélioration.
Les compétences et littératie en données des décideurs·euses (priorité #10) ferme la boucle en reconnaissant que la valeur des données institutionnelles dépend fondamentalement de la capacité des personnes à les interpréter et les utiliser efficacement. Malgré l’abondance de données et de capacités analytiques sophistiquées, de nombreuses institutions peinent avec des données fragmentées, des barrières d’accès et des décisions basées davantage sur l’intuition que sur les faits.
Implications pour la pratique académique
Ces dix priorités dessinent un paysage où la technologie n’est plus simplement un outil mais un catalyseur de transformation organisationnelle et pédagogique. Pour les enseignant·e·s, cela implique de développer de nouvelles compétences tout en participant activement aux décisions institutionnelles concernant l’adoption technologique.
Le rapport EDUCAUSE 2026 rappelle in fine que la plus grande ressource dont disposent les institutions reste la communauté académique elle-même. Les leçons partagées, les défis communs et les connexions personnelles constituent les véritables sources de résilience face aux turbulences actuelles et à venir.

Cet article a été corrédigé avec Claude Ai à partir de la lecture de la présentation du TOP 10 EDUCAUSE disponible sous ce lien : https://er.educause.edu/articles/2025/10/2026-educause-top-10-making-connections
Les illustrations sont réalisées par Napkin Ai

